Bitcoin : une solution face à l’urgence climatique

Introduction
Aujourd’hui, la crise climatique et la transition énergétique sont au cœur des préoccupations. Les gouvernements et industries cherchent à réduire les émissions de CO₂ et à adopter massivement les énergies renouvelables.
Près de huit ans après l’Accord de Paris de 2015, le constat est alarmant : le monde n’est pas sur la trajectoire de limiter le réchauffement à 1,5°C. Au rythme actuel, les engagements pris nous mèneraient vers +2,5 à +2,9 °C d’augmentation d’ici 2100. En 2022, les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont même atteint un record de 57,4 milliards de tonnes d’équivalent CO₂, en hausse de 1,2 % par rapport à 2021. Malgré l’urgence, de grandes puissances ont fait défaut : les États-Unis, deuxième plus gros émetteur mondial, se sont retirés de l’Accord de Paris sous l’administration Trump, un désengagement qui risque d’entraîner d’autres pays à l’imiter. Aucun des pays du G20 n’est aujourd’hui en voie de réduire ses émissions au rythme requis pour respecter ses promesses climatiques.
D’après l’Agence internationale de l’énergie, il faudrait tripler les investissements dans les énergies propres d’ici 2030 pour espérer la neutralité carbone en 2050, soit atteindre environ 4 500 milliards $ par an contre seulement 1 800 milliards $ investis annuellement aujourd’hui. En particulier, les énergies renouvelables (solaire, éolien) ne reçoivent qu’une fraction de ces fonds. Un rapport de l’IRENA souligne que l’investissement annuel dans le renouvelable devrait monter à 1300 milliards $ d’ici 2030, alors qu’il n’était que 486 milliards $ en 2022. Conséquence : le déploiement des infrastructures vertes ne suit pas le rythme nécessaire. La puissance solaire et éolienne mondiale augmente, mais trop lentement pour compenser la hausse de la consommation d’énergie et la persistance des énergies fossiles. Les données montrent même un taux de réalisation extrêmement bas des projets verts : seulement 5 % des projets d’énergie verte atteignent le stade de la décision finale d’investissement, contre 33 % pour des projets pétroliers. Ces chiffres illustrent l’impuissance des solutions actuelles – ou plutôt le manque de moyens déployés – face à l’urgence du réchauffement climatique.
Pourquoi si peu de projets d’énergie renouvelable aboutissent-ils ? Un facteur clé est la rentabilité jugée insuffisante par les investisseurs privés. Même si le coût des énergies solaire et éolienne a fortement baissé ces dernières années, cela n’a pas suffi à déclencher le boom espéré – en grande partie parce que les projets d’énergie verte ne sont pas assez rentables pour les acteurs financiers. Comme l’explique l’économiste Brett Christophers, exploiter une ferme solaire ou un parc éolien et vendre de l’électricité reste peu profitable en moyenne. Or on attend du secteur privé qu’il finance la transition, ce qui pose un problème si ces investissements ne génèrent pas des retours attractifs. Le secteur public essaye de prendre le relai avec des subventions, mais dans un contexte de guerre commerciale, d’inflation, de tensions sociales et d’incertitudes géopolitiques les efforts ne sont pas suffisants.
Dans ce contexte, Bitcoin est facilement perçu comme la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Critiqué pour sa consommation électrique il est généralement perçu comme un problème environnemental. En effet, le réseau Bitcoin utiliserait environ 127 TWh par an, soit 0,5 % de la consommation électrique mondiale. Mais s’arrêter sur ces chiffres, c’est ignorer une réalité : loin d’aggraver la crise climatique, Bitcoin pourrait au contraire contribuer à la solution énergétique.
Démonstration :
Un Bitcoin pas si sale
Un usage croissant d’énergies renouvelables dans le minage
Malgré sa réputation d’énergie « sale », le minage de bitcoin verdit rapidement son mix électrique. Selon une étude de l’Université de Cambridge, en 2020 seules 39 % de l’énergie consommée par les mineurs provenaient de sources renouvelables. Or, de récentes analyses montrent qu’en 2023 plus de la moitié de l’énergie du réseau Bitcoin est d’origine renouvelable (hydroélectricité, éolien, solaire). Cette progression notable du taux d’électricité verte suggère une tendance de fond : Bitcoin est en train de verdir son alimentation énergétique. Par exemple, le Canada (Québec) ou l’Islande – dotés d’hydroélectricité et de géothermie abondantes – sont devenus des foyers de minage précisément parce que l’électricité y est 100 % renouvelable et à bas coût. En 2021, l’interdiction du minage en Chine a accéléré cette redistribution géographique des mineurs vers des régions à énergie plus propre, contribuant à augmenter la part du solaire, de l’éolien et du hydraulique dans le bilan énergétique de Bitcoin.
Des mineurs en quête d’électricité propre et bon marché
Si Bitcoin penche de plus en plus vers les énergies vertes, c’est aussi pour des raisons économiques. L’électricité renouvelable connaît des coûts en forte baisse : dans de nombreuses régions, produire un kWh d’origine solaire ou éolienne revient moins cher que de le produire à partir de charbon ou de gaz. Les mineurs de bitcoin, toujours en quête d’électricité à bas prix pour améliorer leurs marges, ont donc intérêt à se brancher sur des sources renouvelables abondantes. Ils disposent pour cela d’une grande flexibilité géographique : une ferme de minage peut s’installer à proximité d’un barrage hydraulique sous-utilisé, d’un champ d’éoliennes ou au pied d’une centrale géothermique. Quelques exemples concrets : en Islande, pratiquement 100 % de l’électricité minant des bitcoins provient de la géothermie ou de l’hydraulique (aucune émission carbonée directe) ; au Texas, plusieurs fermes de minage se sont implantées dans l’ouest de l’État pour tirer parti du surplus d’énergie éolienne nocturne. Cette capacité à utiliser l’énergie là où elle est excédentaire transforme Bitcoin en opportunité pour valoriser des gisements d’énergie verte parfois gaspillés faute de demande locale.
Initiatives et engagements pour un Bitcoin durable
Conscients de ces enjeux, les acteurs du secteur crypto multiplient les initiatives pour améliorer l’empreinte écologique du Bitcoin. En avril 2021, l’initiative « Crypto Climate Accord » – inspirée de l’Accord de Paris – a vu le jour avec pour objectif de rendre toute l’industrie blockchain neutre en carbone d’ici 2040. Plus de 150 entreprises crypto et minières y ont souscrit, s’engageant à utiliser une électricité 100 % décarbonée ou à compenser leurs émissions. Par ailleurs, plusieurs entreprises minières mettent en avant un mix énergétique 100 % renouvelable dès aujourd’hui. Par exemple, la société américaine Gryphon Digital Mining a fait auditer ses opérations : ses installations minent des bitcoins en utilisant exclusivement de l’hydroélectricité, affichant ainsi des émissions nulles (certificat CarbonChain 2023). D’autres grands mineurs cotés en bourse communiquent sur leurs objectifs de neutralité carbone. Ces efforts illustrent une volonté du secteur de réduire son impact climatique et de s’aligner sur les cibles de la transition énergétique. Bien sûr, des progrès restent à faire, mais la dynamique est lancée pour que Bitcoin ne soit plus alimenté que par de l’énergie propre.
Une solution pour sauver la planète
Booster l’investissement dans les énergies renouvelables - en valorisant les surplus d’énergie
L’un des atouts majeurs du minage de Bitcoin est sa capacité à se délocaliser facilement vers les sources d’énergie inutilisées ou perdues. En effet, les ordinateurs de minage peuvent être installés n’importe où pourvu qu’il y ait de l’électricité et une connexion internet. Cela en fait la seule industrie capable d’aller consommer de l’énergie à la source lorsqu’elle est excédentaire ou perdue, contribuant ainsi à la rentabiliser. Or, dans le monde, une part immense de l’énergie produite n’est pas utilisée : on estime qu’environ un tiers de l’énergie mondiale est gaspillée faute de pouvoir être stockée ou transportée. Concrètement, des parcs éoliens sont souvent mis en arrêt lorsque le vent souffle la nuit (faute de demande), des barrages hydroélectriques rejettent de l’eau en surplus lors de fortes pluies, et des fermes solaires brident leur production en milieu de journée lorsque le réseau est saturé. Cette énergie excédentaire pourrait alimenter des millions de foyers – ou… des installations de minage Bitcoin.
Utiliser le Bitcoin comme consommateur de dernier recours de ces surplus présente un double avantage : d’une part, éviter le gâchis énergétique (chaque kilowatt-heure consommé utilement est un kilowatt-heure de moins perdu dans la nature) ; d’autre part, fournir un revenu complémentaire aux producteurs d’énergie renouvelable, améliorant la rentabilité de leurs installations. Par exemple, en Nouvelle-Zélande, lors des saisons de fortes pluies qui engorgent les barrages, et au Canada, où les barrages hydroélectriques produisent souvent plus que la consommation locale, le minage de Bitcoin est apparu comme une solution évidente pour absorber ces excédents. Des entreprises spécialisées (telle que GridShare LLC) se sont implantées pour exploiter cette énergie gaspillée via du minage, transformant une contrainte en opportunité. De même, au Japon, la compagnie TEPCO a récemment annoncé l’installation de centres de minage de Bitcoin utilisant l’électricité excédentaire de fermes solaires. Dans les Émirats arabes unis, l’État utilise aussi le minage pour valoriser ses surplus d’électricité solaire (et même nucléaire), afin d’accompagner sa transition énergétique.
Le phénomène est mondial : une récente analyse identifie au moins huit pays (des Émirats arabes unis à l’Islande, en passant par la Chine et le Kenya) qui ont recours au minage de Bitcoin pour accélérer le déploiement des énergies vertes, en exploitant leurs surplus d’électricité. En absorbant ces surplus qui étaient auparavant perdus, Bitcoin encourage la croissance des énergies renouvelables tout en générant des revenus supplémentaires pour les opérateurs énergétiques. On peut donc y voir un cercle vertueux : plus il y a d’énergies renouvelables à bas coût disponibles, plus le minage se déplace vers celles-ci ; et la présence de mineurs prêts à acheter l’électricité excédentaire peut inciter à investir davantage dans ces capacités renouvelables, puisqu’une partie de la production, même en période creuse, trouvera preneur. En ce sens, Bitcoin peut booster l’investissement vert, en offrant un débouché aux kWh renouvelables qui n’en avaient pas.
Convertir des déchets écocides en ressources : le cas du torchage de gaz
Un autre bénéfice environnemental inattendu du Bitcoin concerne la lutte contre un gaz à effet de serre extrêmement puissant : le méthane. Dans l’industrie pétrolière et gazière, lorsque du gaz naturel est extrait en même temps que le pétrole sans possibilité de le transporter ou le stocker, il est souvent brûlé sur place – c’est le torchage de gaz (flaring en anglais). Ce procédé est courant sur les puits isolés : on brûle le gaz dans une torchère, ce qui dissipe son énergie et émet du CO₂. Pire, si le gaz n’est pas entièrement brûlé ou s’il est relâché directement (venting), il s’échappe sous forme de méthane dans l’atmosphère. Or le méthane a un pouvoir de réchauffement environ 80 fois supérieur à celui du CO₂ sur 20 ans. Chaque année, environ 150 milliards de mètres cubes de gaz naturel sont ainsi brûlés ou perdus dans le monde, causant l’émission inutile de près de 400 millions de tonnes de CO₂ équivalent – soit autant que les émissions annuelles de pays entiers comme la France. Ce gaspillage énergétique et ce désastre climatique passent souvent inaperçus car le torchage se déroule loin du grand public, au fin fond des champs pétroliers.
C’est ici qu’intervient Bitcoin : au lieu de brûler ce gaz à pure perte, des entrepreneurs ont eu l’idée de l’utiliser sur site pour produire de l’électricité alimentant des ordinateurs de minage de Bitcoin. En d’autres termes, transformer un déchet écocide en ressource utile. Cette approche, baptisée Digital Flare Mitigation par certaines entreprises spécialisées, consiste à installer des générateurs et des conteneurs de minage directement sur les sites d’extraction de pétrole où le gaz était jusqu’ici torché. Le gaz, au lieu d’être simplement brûlé dans l’air, est acheminé vers les générateurs qui produisent de l’électricité pour les mineurs de Bitcoin. Le résultat est double : d’une part, cela réduit drastiquement les émissions de méthane, car le gaz est consommé de manière bien plus complète qu’avec un torchage classique (une bonne partie du méthane qui s’échappait partiellement est ainsi convertie en CO₂ moins impactant). D’autre part, l’énergie du gaz n’est plus gâchée : elle sert à une activité économique, la sécurisation du réseau Bitcoin.
Les bénéfices climatiques de cette pratique ont même été reconnus au plus haut niveau scientifique. Un rapport de la Maison Blanche en 2022 a conclu que « les opérations de minage crypto qui capturent le méthane émis pour produire de l’électricité peuvent apporter des résultats positifs pour le climat, en convertissant le méthane en CO₂ lors de la combustion… et pourraient se révéler plus fiables et plus efficaces que le torchage pour cette conversion ». En effet, un moteur ou une turbine bien réglé peut brûler quasiment tout le méthane du gaz, là où une flamme ouverte en libère une partie non négligeable non brûlée. Une étude a même calculé qu’utiliser du méthane normalement venté (lâché dans l’air sans le brûler) pour alimenter du minage Bitcoin permet, par Bitcoin ainsi « miné », d’éviter l’équivalent de 6 000 tonnes de CO₂ en émissions – soit le bilan annuel de 1 400 voitures aux États-Unis. Globalement, si cette solution était déployée à grande échelle, le potentiel de réduction est énorme : le chercheur Daniel Batten a estimé qu’en éliminant les émissions fugitives de méthane grâce à des dispositifs de minage Bitcoin, on pourrait supprimer jusqu’à 5,32 % des émissions mondiales d’ici 2045, soit près de 0,15 °C de réchauffement en moins d’ici là. Autrement dit, le minage de Bitcoin pourrait contribuer à lui seul à éviter une fraction significative du réchauffement planétaire. Bien sûr, ce scénario suppose de déployer énormément d’infrastructures de minage sur les sources de méthane, mais ce qui était hier une lubie commence aujourd’hui à se concrétiser.
En Amérique du Nord, plusieurs sociétés, comme Crusoe Energy, EZ Blockchain ou Upstream Data, travaillent déjà avec des producteurs de pétrole pour installer des unités de minage sur les puits isolés. Des pays producteurs envisagent aussi cette solution : par exemple, la compagnie publique d’Oman a investi dans ce domaine pour réduire le torchage sur ses sites, et au Nigeria des projets pilotes alimentent des générateurs Bitcoin avec du gaz qui était jusqu’alors brûlé inutilement. Ces initiatives transforment une contrainte environnementale (les réglementations tendent de plus en plus à interdire le torchage systématique) en opportunité économique, puisque le Bitcoin vient rémunérer la capture du méthane. Lutter contre le réchauffement en minant du Bitcoin : l’idée semblait folle hier, mais elle fait aujourd’hui l’objet d’articles scientifiques, de rapports d’organismes internationaux, et de projets concrets sur le terrain.
Atteindre la sobriété économique
Outre ces aspects énergétiques et industriels, certains défenseurs du Bitcoin avancent un argument plus systémique : la cryptomonnaie reine pourrait encourager une économie plus sobre et durable. En effet, Bitcoin se distingue par sa nature déflationniste : son émission est limitée à 21 millions d’unités, ce qui signifie qu’à long terme sa quantité n’augmente presque plus. Contrairement aux monnaies classiques (monnaie fiat) dont la masse monétaire peut être étendue à l’envi par les banques centrales, le Bitcoin, lui, prend de la valeur lorsque la demande augmente car son offre est rigide. Cette caractéristique inciterait à privilégier l’épargne sur la consommation, en adoptant une perspective de temps long plutôt que d’immédiateté. Pour Alexandre Stachtchenko, expert français du secteur, Bitcoin « a l’avantage d’être en quantité limitée, donc déflationniste, ce qui favorise l’épargne (la sobriété et le temps long) au détriment de la consommation ». Autrement dit, dans un système monétaire Bitcoin, il devient rationnel d’épargner pour le futur au lieu de consommer tout de suite, puisque la monnaie prend de la valeur au lieu d’en perdre. À l’inverse, nos monnaies actuelles légèrement inflationnistes poussent implicitement à dépenser (puisque l’argent perd de la valeur avec le temps, on a intérêt à le convertir en biens ou services rapidement).
Quel est le rapport avec le climat ? Les partisans de cette thèse estiment que le système économique actuel, fondé sur la croissance continue de la dette et de la consommation, est l’un des moteurs de la crise écologique. Le besoin de croissance infinie dans un monde aux ressources finies encourage l’extraction effrénée de matières premières, la surproduction et la surconsommation de biens souvent non durables. En revanche, un système monétaire où la monnaie conserve sa valeur, voire s’apprécie légèrement, inciterait à plus de frugalité : consommer moins mais mieux, investir dans le long terme, optimiser l’utilisation des ressources. En ce sens, Bitcoin pourrait être le socle d’une économie de la sobriété, où l’on valorise la durabilité au lieu de la course perpétuelle à la production. Bien sûr, cela reste un argument idéologique et difficile à quantifier scientifiquement. Néanmoins, il rejoint les réflexions sur l’effet rebond : les gains d’efficacité (par exemple énergétique) sont souvent annulés par l’augmentation de la consommation globale dans un système qui recherche la croissance. Un système Bitcoin qui prône la rareté et la responsabilité économique pourrait potentiellement réduire cet effet rebond en changeant les comportements.
En pratique, on observe déjà une communauté de « Bitcoiners » prônant un mode de vie à faible empreinte carbone, adoptant des valeurs de simplicité volontaire et d’investissement dans des infrastructures utiles plutôt que dans la consommation ostentatoire. Si ce mouvement restait minoritaire jusqu’ici, il fait écho à des concepts plus larges de « sobriété heureuse » et de finance durable. Sans aller jusqu’à dire que Bitcoin va révolutionner l’ensemble du système économique mondial du jour au lendemain, il offre au moins une alternative qui remet en question le paradigme actuel. Et cette remise en question – celle d’une croissance matérielle infinie – est vue par nombre de penseurs de l’écologie comme un passage obligé pour contenir le réchauffement climatique. En somme, Bitcoin pourrait favoriser un changement de paradigme vers une économie plus sobre, où la valeur se crée sans forcément accroître l’empreinte carbone à l’infini. Cette vision reste prospective, mais elle illustre que l’impact de Bitcoin sur le climat ne se limite pas à des kilowatts consommés : c’est aussi une réflexion sur nos modèles de société.
Les externalités positives de Bitcoin
Stabiliser les réseaux électriques grâce à une demande flexible
Au-delà de son impact direct sur la production d’énergie, le minage de Bitcoin peut rendre de précieux services aux réseaux électriques grâce à sa grande flexibilité. En effet, les mineurs peuvent augmenter ou réduire leur consommation en quelques secondes, ce qui en fait des consommateurs d’électricité modulables idéaux pour équilibrer l’offre et la demande sur un réseau. Cette caractéristique permet de lisser les fluctuations et d’éviter des pannes, jouant ainsi un rôle de tampon. On compare parfois les fermes de minage à une sorte de batterie de demande (demand-side battery), capable d’absorber de l’énergie excédentaire ou au contraire de cesser d’en consommer pour en libérer sur le réseau.
Un exemple emblématique est celui du Texas (États-Unis), qui a attiré beaucoup de mineurs ces dernières années. Le Texas dispose d’énormes capacités éoliennes et solaires, mais son réseau ERCOT est indépendant et parfois mis en difficulté lors de pics de consommation (vagues de froid ou de chaleur extrêmes). En juillet 2022, alors qu’une canicule record faisait grimper la demande électrique à des sommets, les opérateurs de minage texans ont massivement débranché leurs machines pour soulager le système. Plus de 95 % des mines industrielles de Bitcoin de l’État ont cessé leur activité aux heures de pointe, libérant instantanément environ 1 000 MW de puissance au profit des foyers et entreprises texans. Sur l’ensemble du mois, les mineurs du Texas ont ainsi restitué plus de 50 000 MWh (50 GWh) au réseau en s’effaçant volontairement lors des moments critiques. Selon le président du Texas Blockchain Council, « les mineurs de bitcoin ont pu renvoyer de l’électricité sur le grid lors des journées très chaudes, absorbant l’excès de capacité quand la demande était faible et se coupant en période de pointe ». Ce comportement a été salué par les autorités locales : l’ERCOT a confirmé que les mineurs répondent « en quelques secondes » aux urgences du réseau en réduisant leur consommation. Ils participent à des programmes de délestage rémunérés, ce qui leur procure par ailleurs un complément de revenus non négligeable (jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires d’une mine provient de ces services au réseau dans certains cas).
Le rôle stabilisateur du minage facilite aussi l’intégration des énergies renouvelables intermittentes. L’un des défis du solaire et de l’éolien est leur variabilité : il faut pouvoir consommer l’électricité quand elle est produite, sinon elle est perdue ou il faut la stocker (ce qui est coûteux). Les mineurs offrent une alternative au stockage : ils consomment l’électricité excédentaire quand, par exemple, le vent souffle fort la nuit, et ils s’arrêtent quand la demande locale augmente ou que le vent tombe. Cela aide les producteurs renouvelables à rentabiliser leurs installations même en l’absence de batteries, et le réseau profite d’une plus grande stabilité de fréquence et de tension. Des chercheurs en énergétique notent qu’une variation de 1 % de la demande peut faire une grande différence pour éviter un blackout lorsqu’on frôle la limite de capacité du réseau. Ainsi, ces « effacements instantanés » fournis par les mineurs sont précieux dans l’arsenal de gestion de réseau, au même titre que des centrales de réserve ou des stockages, mais souvent à moindre coût.
On peut considérer cela comme une externalité positive : la présence de mineurs améliore la résilience électrique. Bien entendu, cela suppose une bonne coordination avec les opérateurs de réseau et un encadrement pour éviter que les mineurs ne deviennent eux-mêmes un poids excessif en période normale. Le cas texan a fait couler de l’encre, avec des débats sur le fait de savoir si c’était aux consommateurs de payer les mineurs pour qu’ils s’arrêtent en cas de besoin. Mais du point de vue climatique, lissage de la demande rime avec moindre recours aux centrales fossiles de pointe (souvent utilisées en urgence lors des pics). Au Texas, l’intervention des mineurs en 2022 a sans doute évité de rallumer certaines centrales au gaz ou fioul en dernier recours, évitant d’autant des émissions. D’autres régions aux réseaux fragiles ou fortement renouvelables pourraient bénéficier de cette même flexibilité : on pense à la Californie (surplus solaire le jour, déficit le soir), à l’Australie-Méridionale (très éolienne), ou même à certains pays européens en transition.
En résumé, les mineurs de Bitcoin peuvent agir comme des « fusibles intelligents » du réseau électrique, s’allumant et s’éteignant en fonction des besoins. C’est un rôle généralement méconnu du grand public, mais de plus en plus mis en avant par les énergéticiens. Cette synergie entre Bitcoin et gestion du réseau pourrait transformer une faiblesse (la consommation élevée) en atout (un moyen de stabiliser le système électrique face aux aléas climatiques ou aux renouvelables variables).
Développement d’infrastructures vertes dans des zones reculées
Bitcoin peut aussi être un catalyseur de développement d’infrastructures énergétiques propres dans des régions isolées. En effet, l’un des problèmes récurrents dans ces zones est le manque de financements pour construire des centrales renouvelables, faute de clients suffisamment solvables ou nombreux pour consommer l’électricité produite. Le minage de Bitcoin offre une solution innovante : il peut servir de client initial garantissant des revenus, ce qui justifie l’investissement dans l’infrastructure, laquelle bénéficiera ensuite aux populations locales. Des exemples concrets commencent à démontrer ce mécanisme.
Au Kenya, par exemple, la jeune entreprise Gridless s’est associée à un opérateur de mini-réseaux solaires pour électrifier des villages reculés. Le schéma est le suivant : Gridless installe des conteneurs de minage près d’une source d’électricité renouvelable (un petit barrage hydroélectrique ou une ferme solaire) dans une localité isolée. Tant que la demande du village est faible, les mineurs consomment l’excédent et assurent un revenu constant au producteur d’énergie. Puis, au fil du temps, les habitants se raccordent, consomment davantage (éclairage, artisanat, agriculture…), et la part d’électricité allant au minage diminue. Mais sans le Bitcoin au départ, le projet n’aurait pas été rentable, car trop peu d’abonnés initialement. Grâce à ce modèle, Gridless indique financer l’électrification de 5 000 foyers locaux au Kenya, en monétisant les surplus via le minage. On a donc un triple gain : accès à l’électricité pour la population, développement d’énergie verte, et sécurisation du réseau Bitcoin – tout le monde y trouve son compte.
Un autre exemple marquant vient d’Afrique centrale, dans le Parc National des Virunga en République Démocratique du Congo. Ce parc, classé par l’UNESCO, a construit au fil des ans trois centrales hydroélectriques pour apporter de l’énergie propre aux communautés environnantes et aux installations du parc. Cependant, entre les conflits armés dans la région et la chute du tourisme liée à la pandémie de COVID-19, le parc manquait cruellement de revenus pour entretenir ces infrastructures et payer les rangers. En 2020, l’administration du parc a pris une décision audacieuse : se lancer dans le minage de Bitcoin avec l’électricité de ses barrages. Une ferme de minage “net-zéro” (alimentée exclusivement par l’hydroélectricité du parc) a été mise en place. Les résultats ont dépassé les attentes : cette mine génère environ 150 000 $ de revenus par mois, soit l’équivalent des recettes mensuelles du tourisme avant la crise. Ces fonds servent à payer les salaires des gardes et personnels du parc, à entretenir les installations, et même à financer de nouvelles activités économiques locales. Par exemple, une chocolaterie a pu être ouverte à proximité : elle utilise l’électricité excédentaire du barrage pour transformer des fèves de cacao locales en chocolat fini, et emploie notamment les veuves des rangers tombés pour la protection du parc. Le Bitcoin miné paie les salaires et les infrastructures, tandis que l’électricité sert simultanément aux habitants (ménages raccordés) et aux activités comme la chocolaterie. Le World Economic Forum lui-même, pourtant habituellement critique envers Bitcoin, a salué ce projet comme un exemple de développement durable innovant où « le Bitcoin soutient le développement des énergies renouvelables, la création d’emplois locaux et la conservation dans la plus ancienne réserve naturelle d’Afrique ».
Ces cas concrets démontrent un effet d’entraînement : Bitcoin peut “amorcer la pompe” de la transition énergétique dans des régions oubliées. Là où aucun investisseur n’oserait financer une centrale solaire pour un village pauvre de 1000 habitants, il le fera si on lui garantit un acheteur pour chaque kilowatt produit (en l’occurrence, des ordinateurs de minage qui tournent tant qu’il y a du surplus). Une fois l’infrastructure en place, la vie locale se développe, la demande augmente, et progressivement la proportion de Bitcoin peut diminuer ou migrer ailleurs pour reproduire le schéma. On voit se dessiner ici un modèle de financement décentralisé de l’accès à l’énergie : le mineur de Bitcoin en tant que financeur de mini-réseaux verts. C’est une externalité positive majeure, avec à la clé des bénéfices climatiques (on installe du renouvelable au lieu éventuellement de générateurs diesel) et sociaux (développement économique local).
Bien sûr, cela n’est pas automatique ni systématique : tous les mineurs ne vont pas s’improviser développeurs ruraux. Mais le simple fait que cela soit possible et économiquement viable ouvre de nouvelles perspectives pour la transition énergétique dans le monde en développement. Un rapport de la Banque Mondiale notait que 789 millions de personnes n’ont toujours pas accès à l’électricité ; Bitcoin, en rendant rentables des projets hors des sentiers battus, pourrait contribuer humblement à réduire ce chiffre tout en augmentant la part du renouvelable global. Une telle convergence entre enjeux climatiques et humanitaires mérite d’être soulignée.
Se passer du système financier très consommateur ?
Enfin, lorsqu’on évoque Bitcoin et climat, il est important de mettre en perspective son empreinte par rapport à celle du système financier traditionnel qu’il pourrait en partie remplacer ou alléger. En effet, on critique souvent (à juste titre) les 100 ou 150 TWh de Bitcoin, mais on oublie que maintenir l’infrastructure monétaire et financière mondiale consomme, elle aussi, énormément d’énergie et de ressources. Data centers bancaires, réseaux informatiques des cartes de crédit, agences bancaires physiques avec leurs éclairages et climatisations, impression et transport des billets et pièces, extraction de l’or pour les réserves… tout cela a un coût environnemental considérable, quoique diffus.
Des études comparatives ont tenté d’estimer ce coût global. D’après une analyse de Galaxy Digital, le secteur bancaire mondial consommerait autour de 260 TWh par an, soit plus du double de la consommation de Bitcoin, tandis que l’industrie de l’extraction de l’or en consommerait environ 240 TWh par an. En d’autres termes, Bitcoin utiliserait deux fois moins d’énergie que l’ensemble des banques de la planète, et pourrait donc – si on le considère comme un système monétaire alternatif – être plus efficient en énergie pour un même périmètre de services. Bien sûr, le système bancaire offre aujourd’hui bien plus de transactions et de fonctions que Bitcoin seul, et une comparaison directe reste complexe. Il n’empêche que l’empreinte énergétique de la finance traditionnelle est loin d’être négligeable, et souvent passée sous silence dans les débats. Ne serait-ce que les distributeurs automatiques de billets (DAB) : on en compte plus de 3 millions dans le monde, fonctionnant 24h/24, souvent en plein air. Leur consommation électrique cumulée est rarement prise en compte lorsqu’on compare Bitcoin à « Visa » par exemple.
Dans un scénario où Bitcoin prendrait de l’ampleur comme réserve de valeur (on le surnomme parfois “or numérique”), il pourrait potentiellement réduire la demande d’or physique – et donc l’intensité de l’extraction aurifère, une activité très polluante (usage massif de diesel, de cyanure et de mercure, déforestation, etc.). Un kilo d’or extrait, c’est près de 20 tonnes de CO₂ émises et des écosystèmes endommagés ; substituer une part de cette valeur par du Bitcoin, dont le « minage » peut être alimenté en énergie propre, pourrait avoir un bilan environnemental global positif. De même, si Bitcoin permet dans certaines régions de bancariser numériquement des populations sans qu’il soit nécessaire de construire tout le maillage d’agences bancaires et de transports de fonds, il y a potentiellement une économie indirecte de ressources. Par exemple, au Salvador, l’adoption du Bitcoin a coïncidé avec la fermeture de plusieurs agences Western Union (transfert d’argent) au profit de solutions numériques – cela signifie moins de bâtiments climatisés et moins de véhicules blindés sur les routes, donc une empreinte énergétique réduite.
Il convient d’être prudent : Bitcoin ne va pas faire disparaître le secteur bancaire classique du jour au lendemain, et il est probable que les deux coexistent longtemps. Toutefois, l’existence même d’un système monétaire alternatif décentralisé peut pousser le secteur financier à évoluer, à gagner en efficacité. On peut imaginer qu’avec l’essor des technologies blockchain, le nombre d’intermédiaires diminue dans certaines transactions, ce qui est autant de bureaux en moins à faire tourner. Par ailleurs, la critique de l’empreinte de Bitcoin a incité les banques à se pencher sur leur propre empreinte carbone, souvent avec surprise en découvrant son ampleur. Ainsi, paradoxalement, Bitcoin force un peu tout le monde à faire mieux sur le plan environnemental, par effet de comparaison.
En définitive, si Bitcoin parvenait à remplir une partie des fonctions du système financier en consommant relativement moins d’énergie ou en la rendant plus verte, le climat y gagnerait. Il s’agit là d’une externalité positive potentielle : ce n’est pas tant Bitcoin lui-même qui réduit l’empreinte du système financier, mais le fait qu’il propose un modèle différent qui, s’il est plus efficient, pourrait alléger la charge globale. Même si aujourd’hui cette perspective reste théorique, elle nous rappelle de considérer le tableau d’ensemble : le défi climatique impose de réduire l’empreinte de tous les secteurs, y compris celui de la finance, et Bitcoin s’inscrit dans cette réflexion globale sur la sobriété numérique et économique.
Sources :
- UNEP – Emissions Gap Report 2023
- Carbon Credits – Bitcoin’s energy impact
- CryptoSlate – Over 50% of Bitcoin mining uses renewables
- Virunga.org – Centrale de Matebe
- Cointelegraph – How Bitcoin mining saved Virunga
- Emurgo – Bitcoin mining in Africa powered by green energy
- Batcoinz – Bitcoin Energy and Emissions Sustainability Tracker (BEEST)
- IEA – Global flaring and methane emissions
- Nasdaq – How Bitcoin mining is reducing global emissions
- Gridless – Bitcoin mining in East Africa
- Bitcoin Mining Council – Energy mix reports
- Cambridge Bitcoin Electricity Consumption Index (CBECI)
- Valuechain – Bitcoin vs banking energy consumption
- Crypto Climate Accord
- The Big Whale – Bitcoin : une solution contre-intuitive au changement climatique
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Mon investissement Bitcoin est-il bloqué ?
Sur la blockchain et via les plateformes d’échange, vous pouvez acheter et vendre vos bitcoins à tout moment sans période de blocage.
Avec Fibo, vous pouvez acheter de façon récurrente toutes les semaines ou tous les mois du bitcoin et le vendre quand vous le souhaitez.
Quel est le montant minimum pour investir ?
Bien que le prix d’un bitcoin complet puisse sembler élevé, il n’est pas nécessaire d’en acheter un entier. Le bitcoin est divisible jusqu’à la huitième décimale, et son plus petit montant s’appelle un satoshi. Cela signifie que vous pouvez acheter des fractions de bitcoin, même avec seulement 1 €.
Chez Fibo, vous pouvez investir dans des portefeuilles diversifiés conçus par nos experts, dès 50 € si vous choisissez un virement récurrent.
Je ne connais rien à la crypto, je peux quand même investir ?
Notre plateforme est spécialement conçue pour les nouveaux investisseurs désireux de se lancer dans le marché des cryptomonnaies. Nous offrons un accompagnement sur mesure, permettant de créer ensemble un portefeuille personnalisé qui répond parfaitement à vos attentes et objectifs. Notre équipe d’experts est là pour vous guider à chaque étape, que vous soyez novice ou expérimenté dans le domaine des cryptoactifs. Nous mettons un point d’honneur à vous offrir un service client de qualité, disponible pour répondre à toutes vos questions et vous fournir les informations nécessaires pour prendre des décisions éclairées. Investir dans les cryptoactifs peut sembler intimidant, mais avec notre soutien et notre expertise, vous pourrez naviguer en toute confiance sur ce marché en constante évolution. N’hésitez pas à nous contacter pour en savoir plus sur nos services et commencer à investir dans les cryptomonnaies dès aujourd’hui.